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La laïcité en France, ambition ou inquiétude ?

Auteur CDO N°133 Catégorie Tous nos ouvrages
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Depuis plus de dix ans, du soutien de dessinateurs français à leurs confrères danois dans l’affaire des caricatures du Prophète à l’attentat de janvier 2015 contre le journal satirique Charlie Hebdo, les Français ont dû expliquer au reste de la planète ce qui n’existe que dans leur pays : le principe de laïcité – du moins depuis que la Turquie a tourné le dos à l’ambition d’Atatürk avec Erdoğan en nouveau sultan. Dans l’Hexagone aussi, le concept admis de longue lutte s’est transformé en débat, plus ou moins aigu selon les moments.

À ceux qui, dans d’autres États, ne comprenaient pas pourquoi on ne « respectait pas la foi d’une communauté », il a fallu rappeler que la France n’en reconnaît qu’une seule : la communauté nationale. À ceux qui, en France même, pensaient qu’il « ne fallait quand même pas provoquer les musulmans » (qui, soit dit en passant, étaient une écrasante majorité à ne pas se sentir blessés par des dessins iconoclastes) il a fallu rappeler que la notion de blasphème ne s’applique qu’à des croyants ; qu’en République française, il n’existe des citoyens et que la foi, ou l’absence d’icelle, est de l’ordre de la sphère intime. À ceux qui, enfin, confondent encore la laïcité avec une quelconque islamophobie, comme naguère avec l’anticléricalisme, il faut rappeler inlassablement ce qu’elle est : le simple droit de croire ou de ne pas croire ; « pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une (…), pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public », comme le précise l’Observatoire de la laïcité, commission consultative rattachée à Matignon.

La loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État a dépassé un siècle d’existence. Longtemps annoncé – et longtemps repoussé – par Emmanuel Macron, son projet de modification semble enfin enclenché avec la réception par le Président français et le chef du gouvernement, le 10 février, des représentants des cultes. Après des « assises territoriales de l’islam » requises par le ministre de l’Intérieur – et des Cultes – Gérard Collomb, son successeur Christophe Castaner a entamé les discussions sur ce dossier délicat fin 2018, en consultant également associations laïques et obédiences maçonniques. Si les religieux sont réservés, voire méfiants, les défenseurs de la loi dite « de laïcité » sont vent debout contre toute modification, arguant que des outils légaux permettent déjà de répondre aux « dérives intégristes de l’islamisme politique ».

Car, même si l’Élysée affirmait en janvier que tous les cultes seraient concernés, l’objectif est manifestement d’adapter une loi d’avant-guerre à une société transformée, avec un islam devenu deuxième religion de France. C’est évident dans les axes annoncés, outre conforter par la loi le principe de laïcité : accompagner les musulmans dans la structuration et l’organisation des structures cultuelles ; permettre au culte musulman d’identifier des ressources propres afin de garantir son autonomie ; recruter et former en France les imams et les acteurs religieux ; enfin lutter contre les discours fondamentalistes et extrémistes. L’une des priorités est de renforcer l’obligation de transparence pour les associations dépendant du régime de la loi de 1901 et de faire passer la gestion des mosquées – environ 2 500 lieux de culte – en associations « loi 1905 », ce qui permettrait davantage de contrôle sur les financements étrangers, leviers potentiels d’influence idéologique.

La formation des imams pose un autre problème : l’État laïc ne pouvant s’en charger, l’Union des mosquées de France (UMF), fédération de quelque 700 mosquées, a envoyé soixante-sept étudiants au Maroc, qui se veut le héraut d’un islam tolérant et apaisé, grossir les rangs des 1 400 élèves de l’Institut Mohammed VI de Rabat, dont dix Françaises morchidates (prédicatrices). Au programme : cours d’arabe, théologie coranique, jurisprudence islamique, explications des versets… Les dix-neuf élèves de la première promotion ont terminé le cursus en décembre. On a remis à plus tard les cours de sciences humaines destinés à « contextualiser » la pratique de l’islam à la culture de leur pays d’origine, en l’occurrence la France. Une antenne devrait ouvrir ses portes à Évry en 2019 pour former trente imams français par an… toujours financée par le Maroc, ce qui remet sur le tapis la question de l’islam « consulaire » (300 imams sont déjà détachés d’Algérie, de Turquie et du Maroc).

La liberté et l’égalité des citoyens sont souvent évoquées par l’exécutif ; or elles sont intrinsèquement liées au principe de laïcité, conquis de haute lutte et devenu le quatrième pilier de la République française – quant à la fraternité, si elle ne se décrète pas par la loi, elle serait bienvenue dans l’effort commun. Le défi qui s’annonce est certes ardu, mais non moins nécessaire.

Caractéristiques : 15 x 22 x 0.5 cm, 95 pages, 130 gr, février 2019.

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